Ou comment éviter une requalification du statut de résident à Dubaï ?
À titre liminaire, il convient de préciser l’intérêt d’une telle convention. En effet, la convention fiscale entre les deux gouvernements a pour objectif notamment d’éviter les cas de doubles impositions aussi bien pour les personnes physiques, que les personnes morales de droits privés ou publiques, résidents[i] d’un États, ou des deux États. Toutefois, un autre enjeu sous-jacent s’en évince, il s’agit d’empêcher un résident de pouvoir se soustraire à l’impôt. S’agissant de cet enjeu, il est à aborder à travers le regard de l’État Français ou des administrés français, dans la mesure où la plupart des impositions prévues par l’administration française ne trouvent pas leur pendant aux Émirats. Une asymétrie clairement avantageuse pour les néorésidents à Dubaï notamment sous condition de respecter les dispositions de la convention fiscales.
Toutefois, afin de faire appliquer la convention, les États ont la possibilité d’échanger des renseignements relatifs à l’impôt des résidents, uniquement à ces fins. Néanmoins les échanges restent jusqu’à présent plutôt marginaux, en effet à ce jour le gouvernement indique avoir adressé 52 demandes de renseignements fiscaux aux Émirats arabes unis.
Par ailleurs, il faut distinguer la règle applicable aux personnes physiques et celle applicable aux entreprises, notamment dans les critères d’établissement pris en compte par les administrations fiscales. Toutefois, à Dubaï, il n’existe aucun équivalent à l’impôt sur le revenu des personnes physiques, ce qui élude de facto une possible symétrie juridique entre le système français et émirati. Il est donc important de comprendre que l’étude de la convention se fait ici à travers le prisme des Français voulant s’installer aux Émirats arabes unis et non l’inverse.
S’agissant des entreprises, il convient dans un premier temps de définir ce qui correspond à la résidence pour une personne physique, il s’agit ici de la notion d’établissement stable mentionné par la convention. (Article 4A) l’Établissement stable est le point de départ qui caractérise le pays ou est exercé l’activité afin de pouvoir déterminer son lieu d’imposition.
Il convient dès lors de comprendre les critères de résidence et d’établissement stable (I) afin d’envisager les mécanismes d’impositions ou de non-impositions des différents revenus étrangers pour les résidents à Dubaï. (II)
I – Les critères d’établissement pris en compte par l’administration fiscale
Ainsi, les règles pouvant être divergentes au regard de la qualité de la personne, il convient de distinguer l’application de la convention fiscale d’une part pour les personnes physiques (A) d’autre part son application à l’égard des personnes morales (B).
A – Les critères de résidence à Dubaï
Tout d’abord, la notion de résident est définie clairement par la convention, en effet il s’agit donc de toute personne qui en vertu de la législation française est assujettie à l’impôt dans cet État à raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou tout critère analogie.
Ainsi, la convention prévoit les différents cas auxquels pourrait être confrontée une personne physique établissant sa résidence partiellement ou totalement dans l’un de ces deux pays. Partant, c’est à cet égard qu’elle pose les critères afin de trancher le pays de résidence fiscale.
Ainsi, la personne physique établie au sein des deux États se verra considérer résidente de l’un des pays selon les critères suivants :
Le foyer d’habitation permanent : dans le cas où la personne disposerait d’un foyer permanent au sein des deux pays, il sera pris en compte ses centres d’intérêt dit « vitaux » précisément : d’une part ses attaches personnelles notamment familiales, d’autre part, ses attaches économiques telles que ses principales revenus.
En sus, s’il est impossible de déterminer les centres d’intérêts dit « vitaux », ou dès lors qu’elle ne dispose pas d’un foyer d’habitation permanent dans l’un des deux États, le critère pris en compte sera l’État ou elle séjourne de façon habituelle.
Partant, si la personne séjourne de façon habituelle dans les deux États, elle sera dès lors considérée comme étant résident de l’État dont elle à la nationalité.
Enfin, si la personne dispose dans le même temps de la nationalité française et émiratie, ou d’aucune des deux, il incombera dès lors aux autorités étatiques de statuer communément sur l’établissement de la résidence.
Pour être plus complet, les personnes physiques françaises sont soumises à plusieurs impôts notamment : l’impôt sur le revenu, l’impôt sur les fortunes immobilières[ii], l’impôt sur les successions.
Pour rappel les personnes physiques françaises sont imposables à raison de l’ensemble de leurs revenus de sources françaises ou étrangères dès lors que leur domicile se situe en France[iii]. Dès lors, les personnes françaises ou étrangères sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France si l’une des conditions est respectée :
- Avoir en France son foyer ou lieu de séjour principal soit 183 jours par an
- Exercer en France une activité professionnelle
- Avoir en France le centre de leurs intérêts économiques
- Être fonctionnaire ou agent de l’État en service à l’étranger
En sus, les personnes françaises ou étrangères, domiciliées hors de France, sont passibles de l’impôt sur le revenu dans les cas où elles recueillent des revenus de source française. Aussi, dans le cas où elles disposent (comme propriétaire ou locataire) en France d’une ou plusieurs résidences. Ainsi, naturellement les revenus de source étrangère (ici Émiratie) sont exclusifs d’impôt sur le revenu.
S’agissant des personnes physiques aux Émirats, ces dernières ne sont pas soumises à un impôt sur le revenu, sur les fortunes, ou sur les successions, en revanche la TVA a fait son apparition aux Émirats à taux fixe de 5%.
Au surplus, il faut préciser que la Convention s'applique aussi aux impôts de nature identique ou analogue qui seraient établis après la date de signature de la Convention et qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. Afin de garantir les évolutions fiscales, les deux États s’autorisent la communication des modifications significatives pouvant affecter leurs législations fiscales respectives.
Enfin, il est d’une extrême importance de comprendre que la France à la possibilité de requalifier la résidence d’un contribuable expatrié à Dubaï, eu égard aux critères susvisés dans cet article afin d’imposer un expatrié en France.
B – Les critères d’établissement stable des personnes morales
Tout d’abord, la notion d’établissement stable permet de déterminer si une activité industrielle ou commerciale exercée dans un État est imposable au lieu d’exercice des activités ou, au contraire seulement au lieu de résidence de l’entreprise. L’établissement stable est considéré comme le principal critère de rattachement territorial des bénéfices, la notion française détermine si une entreprise est exploitée en France, la convention fiscale entre la France et les Émirats arabes unis donne une définition permettant de dégager les principaux critères.
Ainsi, au regard de la convention l’établissement stable se caractérise par : « l’installation fixe d’affaires par l’intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité ».
Précisément, cette notion s’étend :au siège de direction, une succursale, un bureau, une usine, un atelier, ou tout lieu d’extraction de ressources naturelles (mine, puits de pétrole ou gaz…).
En revanche, la notion d’établissement stable ne sera pas caractérisée dans les cas suivants :
Lorsque l’usage de locaux n’est que superficiel, c’est le cas notamment pour l’installation aux seules fins de stockage, livraison de marchandise, ou aux fins d’exercer pour l’entreprise toute autre activité à caractère préparatoire ou auxiliaire.
Par ailleurs, une entreprise n’est pas considérée comme ayant un établissement stable dans un État du seul fait qu’elle y fait exercer son activité par l’entremise d’un courtier, d’un commissionnaire général ou de tout autre agent jouissant d’un statut indépendant.
Dernier point important, la société résidente d’un État qui contrôle ou est contrôlée par une société résidente d’un autre État, ne peut faire de cette société un établissement stable de l’autre.
II – L’imposition des revenus fonciers et les revenus de capitaux mobiliers
Il faut distinguer ici, les revenus immobiliers et ceux tirés de capitaux mobiliers. Les premiers évoquent ceux relatifs à la propriété foncière, les exploitations agricoles et forestières notamment (A). S’agissant des seconds, désignent les revenus provenant des valeurs mobilières (parts, actions, obligations, bons de capitalisation, dividende.) dont un contribuable est propriétaire. (B)
A - Les mécanismes d’imposition des revenus immobiliers et des gains en capital (art 5,11)
La convention fiscale traite donc des revenus fonciers des résidents ce à quoi elle ajoute la propriété d’action, parts, conférant la jouissance sur des biens immobiliers. La règle applicable concernant ces derniers est simple, les revenus imposables seront ceux que le résident tire du lieu de son activité. Dès lors, si un contribuable dispose toujours de revenu immobilier en France, il sera alors imposable sur ces revenus auprès de l’administration fiscale française ces biens devront faire l’objet d’une déclaration, quand bien même sa résidence est à Dubaï.
Ainsi, dans le cas où un résident Français tirerait des revenus fonciers uniquement aux Émirats arabes unis, il serait imposable aux Émirats et vice-versa. Toutefois cette règle est bien évidemment soumise à l’existence d’un impôt équivalent sur les revenus immobiliers, ce qui n’est pas encore le cas aux Émirats.
Concernant les gains en capital, ces derniers désignent les profits sur la vente, le legs, la cession ou la donation de vos immobilisations, ceux-ci sont la plupart du temps intégrés dans la déclaration de revenus annuelle. Ils se distinguent donc des revenus fonciers dans la mesure où ces gains sont le fruit du profit réalisé après une vente immobilière. Ainsi, du point de vue de la convention fiscal les revenus tirés des gains en capital par le résident d’un État dans l’autre État seront imposables dans cet autre État. Dans le cas où un résident Français tire des revenus l’aliénation de biens immobiliers situés aux Émirats, ses revenus en question seront imposables aux Émirats. En revanche, les gains obtenus lorsque la personne est résidente aux Émirats arabes unis sur les plus valus de biens immobiliers en France vont être imposables en France.
B- Les mécanismes d’imposition sur les bénéfices des entreprises – dividendes (articles 6,8)
Tout d’abord, le bénéfice d’une entreprise se définit par le résultat net positif calculé lors d’un exercice comptable sur une période donnée. S’agissant des dividendes, ces derniers sont aussi des bénéfices qui, en revanche leur affectation seront distribués aux propriétaires de l’entreprise.
Ainsi, les bénéfices d’une entreprise d’un État ne sont imposables que dans cet État, sauf dans le cas où, l’entreprise n’exerce son activité dans l’autre État par l’intermédiaire d’un établissement stable qui y est situé.
En d’autres termes : les bénéfices d’une société Française ne seront pas imposables en France si vous êtes aux Émirats arabes unis, dans la mesure où, ces derniers sont imposables dans l’État de résidence soit en l’espèce à Dubaï. Il en va de même quant aux redevances.
En revanche, si une entreprise Française exerce son activité aux Émirats à travers un établissement stable aux Émirats les bénéfices seront imposable dans cet États. Toutefois, cela suppose l’existence d’un impôt équivalent aux Émirats.
Concernant les dividendes, lorsqu’ils sont payés par une société résidente d’un État à un résident de l’autre État, ces dividendes seront tout simplement imposables dans ce second État. Néanmoins, il va de soi que cela suppose l’existence d’un impôt sur les dividendes dans le second État.
Enfin, il est à noter qu’un dispositif anti-abus permet à la France d’exercer sa législation en cas d’évasion et de fraude fiscale, l’article 19 notamment prévoit afin de limiter les abus que les personnes résidentes à Dubaï ayant des revenus en France pourront faire l’objet d’une imposition en France, un article qui s’impose face aux dispositions même de la convention fiscale.
Afif Mshangama, Lawyer
[i] a) En ce qui concerne la France, toute personne qui, en vertu de la législation française, est assujettie à l'impôt dans cet État, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue ; b) En ce qui concerne les Émirats arabes unis, toute personne qui est domiciliée, établie, ou a son siège de direction dans les Émirats arabes unis, y compris l'État des Émirats arabes unis, ses subdivisions politiques et collectivités locales. [ii] Cet impôt est venu remplacer l’ISF en 2018, cet impôt ne prend en compte uniquement les biens immobiliers. Par ailleurs bien que la TVA soit un impôt et non pas une taxe aucun développement est nécessaire à ce stade, un article y sera consacré. [iii] Ce qui inclus, la Corse, les îles du littoral et les départements d’outre-mer.
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