Le démembrement de propriété en nue-propriété et usufruit est une technique juridique couramment utilisée dans le domaine de l'immobilier en France et aux Émirats arabes unis. Il s'agit d'un mécanisme qui permet de séparer les droits de propriété d'un bien immobilier en deux parties distinctes : la nue-propriété et l'usufruit. En France, cette pratique est réglementée par le Code civil et permet notamment de bénéficier d'avantages fiscaux et successoraux. Aux Émirats arabes unis, le droit de démembrement est également reconnu et réglementé par la loi fédérale n°5 de 1985 relative aux transactions immobilières.
La nue-propriété représente le droit de propriété sans le droit d'usage, tandis que l'usufruit représente le droit d'usage sans le droit de propriété. Cette séparation des droits peut être utilisée à diverses fins, notamment pour planifier la succession, pour obtenir un financement ou pour bénéficier d'avantages fiscaux. Toutefois, les modalités de la pratique peuvent varier selon les pays et les situations.
Cette séparation peut se faire de plusieurs façons, par exemple par une vente, une donation, une succession ou un démembrement volontaire de propriété.
Dans ce cas, le démembrement de propriété consiste à diviser la pleine propriété en deux droits distincts : la nue-propriété et l'usufruit. La nue-propriété est alors détenue par une personne (appelée nu-propriétaire) et l'usufruit est détenu par une autre personne (appelée usufruitier). Le nu-propriétaire conserve la propriété du bien, mais ne peut pas l'utiliser ni en percevoir les fruits (revenus). L'usufruitier, quant à lui, a le droit d'utiliser le bien et d'en percevoir les fruits, mais ne peut pas en disposer librement ni le vendre.
En sus, cette séparation peut être temporaire ou définitive. Ce démembrement du droit de la propriété s’applique aussi bien en France (I) qu’aux Émirats arabes unis (II)
I – Le démembrement du droit de la propriété en France
A - Les avantages en matière fiscale
Le démembrement de propriété peut avoir un intérêt fiscal pour le nu-propriétaire et l'usufruitier.
D'un point de vue fiscal, la détention de la nue-propriété est considérée comme une situation de déshérence, car le nu-propriétaire ne perçoit aucun revenu ni avantage du bien détenu. En conséquence, la valeur de la nue-propriété est réduite par rapport à celle de la pleine propriété.
En revanche, la détention de l'usufruit est considérée comme une situation de jouissance effective du bien, et donc de perception de revenus. En conséquence, la valeur de l'usufruit est élevée par rapport à celle de la nue-propriété.
Ainsi, le démembrement de propriété peut permettre au nu-propriétaire de bénéficier d'une réduction de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) et de l'impôt sur le revenu (IR) en raison de la valeur réduite de la nue-propriété. De même, l'usufruitier peut bénéficier d'une réduction de l'assiette de l'ISF et de l'IR en raison de la valeur élevée de l'usufruit.
De plus, dans le cas d'un bien immobilier loué, les revenus locatifs sont répartis entre le nu-propriétaire et l'usufruitier en fonction de la valeur respective de leur droit. Le nu-propriétaire ne percevant pas les revenus, il ne sera pas imposé dessus. L'usufruitier, quant à lui, sera imposé sur les revenus perçus en fonction de sa tranche marginale d'imposition.
En somme, le démembrement de propriété peut donc offrir des avantages fiscaux intéressants pour les deux parties
B – Les avantages en matière successorale
Le démembrement de propriété peut avoir un intérêt en matière successorale car il permet de transmettre la nue-propriété et l'usufruit d'un bien à des héritiers différents et de manière équitable.
Par exemple, si un parent souhaite transmettre un bien immobilier à ses enfants, il peut le faire en démembrement de propriété. Dans ce cas, il transmettra la nue-propriété à un enfant et l'usufruit à l'autre enfant. Le nu-propriétaire aura ainsi la propriété du bien, mais ne pourra pas en jouir ni en percevoir les fruits, tandis que l'usufruitier pourra utiliser le bien et en percevoir les fruits.
Partant, cette solution permet de répondre à des situations familiales différentes. Par exemple, si l'un des enfants souhaite continuer à occuper le bien, il pourra bénéficier de l'usufruit et continuer à en profiter comme s'il était pleinement propriétaire. L'autre enfant pourra quant à lui récupérer la nue-propriété, et pourra la vendre, la louer ou la transmettre à son tour à ses propres héritiers.
De plus, en transmettant la nue-propriété et l'usufruit de cette manière, il est possible de réduire les droits de succession à payer par les héritiers, car la valeur de la nue-propriété est réduite par rapport à celle de la pleine propriété. Ainsi, les droits de succession seront calculés sur la valeur de la nue-propriété et de l'usufruit, qui seront inférieurs à la valeur de la pleine propriété.
En somme, le démembrement de propriété peut offrir des solutions intéressantes pour transmettre un bien immobilier à des héritiers différents, en leur permettant de bénéficier chacun d'un droit différent et équitable. Cependant, il est important de se faire conseiller par un professionnel pour éviter les pièges et comprendre les implications juridiques et fiscales de cette situation.
II – Le démembrement de la propriété aux Émirats arabes unis
A – La séparation de la nue-propriété et de l’usufruit à Dubaï
Le droit de démembrement de propriété existe aux Émirats arabes unis et est régi par la loi fédérale n°5 de 1985 relative aux transactions immobilières (Loi sur l'immobilier).
Selon cette loi, la propriété peut être démembrée en deux parties distinctes: l'usufruit (connu sous le nom de "Manfaa") et la nue-propriété (connue sous le nom de "Milk"). La loi énonce que l'usufruitier a le droit de jouir du bien et d'en percevoir les fruits et les revenus, tandis que le nu-propriétaire a le droit de disposer du bien et d'en tirer profit lorsqu'il récupérera l'usufruit.
S’agissant de l’Émirat de Dubaï, le droit de démembrement de propriété est également reconnu et réglementé par la loi fédérale n°5 de 1985 relative aux transactions immobilières. La loi dispose que la propriété peut être démembrée en usufruit et nue-propriété, et que chaque partie peut être vendue ou transmise séparément.
Dès lors, le démembrement de propriété est souvent utilisé à Dubaï pour les projets de développement immobilier. Par exemple, lorsqu'un promoteur immobilier souhaite financer un projet, il peut vendre la nue-propriété du terrain à un investisseur en conservant l'usufruit. Cela lui permet de financer le projet sans perdre la propriété du terrain, tandis que l'investisseur récupérera la propriété complète du terrain une fois l'usufruit expiré.
Enfin, le démembrement de propriété peut également être utilisé pour planifier la succession. En effet, en transmettant la nue-propriété à un héritier et l'usufruit à un autre, il est possible de réduire les droits de succession payables par les héritiers, tout en permettant à l'un des héritiers de continuer à utiliser le bien immobilier.
B – L’impact du droit de démembrement en matière successorale à Dubaï
Le démembrement de propriété en nue-propriété et usufruit à Dubaï peut avoir un impact significatif en matière successorale. En effet, cette pratique permet de planifier la transmission de son patrimoine en avance, en divisant la propriété en deux parties distinctes : la nue-propriété et l'usufruit.
Dans ce contexte, le nu-propriétaire peut transmettre son patrimoine à ses héritiers de manière anticipée, tout en conservant la jouissance de son bien immobilier jusqu'à son décès. L'usufruitier, quant à lui, peut continuer à utiliser le bien jusqu'à la fin de son droit d'usufruit.
En termes de succession, le nu-propriétaire peut transmettre sa nue-propriété à ses héritiers, qui deviennent alors propriétaires du bien immobilier à son décès. L'usufruitier, en revanche, ne peut transmettre aucun droit de propriété, mais seulement son droit d'usufruit.
Par ailleurs, le démembrement de propriété peut donc être un outil de planification successorale efficace pour les expatriés à Dubaï, qui peuvent ainsi organiser la transmission de leur patrimoine de manière avancée et protéger leurs héritiers en cas de décès.
Enfin, Il est possible que l'introduction de l'impôt sur les sociétés aux Émirats arabes unis en juin 2023 ait un impact fiscal sur le droit de démembrement de propriété.
Akram Cheik, Lawyer
Comments